1- Qu’est-ce que le biais de cadrage ?
Le biais de cadrage est un biais cognitif qui influence nos décisions et nos jugements en fonction de la manière dont une information est présentée. Selon que l’on met l’accent sur les aspects positifs ou négatifs d’une même donnée, notre perception et nos choix peuvent être radicalement différents.
Nous avons tendance à réagir différemment à une même information selon qu’elle est formulée de manière optimiste ou pessimiste. Cela est particulièrement exploité dans la publicité, la politique et les médias pour orienter nos décisions sans que nous en ayons pleinement conscience.
2- Comment fonctionne le biais de cadrage ?
Notre cerveau ne traite pas toutes les informations de manière rationnelle et objective. Il s’appuie sur des heuristiques (raccourcis mentaux) pour simplifier l’analyse de la réalité. Le cadrage joue sur ces heuristiques en modifiant la perception d’un même fait selon la manière dont il est formulé.
Un exemple classique de biais de cadrage provient des études menées par le psychologue Amos Tversky et le statisticien Daniel Kahneman. Ils ont testé la réaction des gens à la présentation de deux options identiques mais formulées différemment.
Cadrage positif : « 90% de chances de survie »
Cadrage négatif : « 10% de chances de mourir »
Les résultats ont montré que les participants étaient plus enclins à choisir la première option (90% de chances de survie), même si les deux propositions sont statistiquement équivalentes. Le cadrage positif a rendu l’option plus attrayante. Ce phénomène se répète dans de nombreux domaines, des décisions médicales à la politique.
3- L’influence du vocabulaire
Le vocabulaire employé crée un cadre qui oriente l’information. Le choix des mots a une importance capitale dans la manière dont nous percevons une situation. Voici quelques exemples qui illustrent ce point :
– On parle de « plan de sauvegarde de l’emploi » au lieu de « plan de licenciement »
– On qualifie un soldat mort au combat de « héros de la nation » plutôt que « victime de la guerre »
– On dit « la tendance du chômage est à la baisse » au lieu de dire « le chômage augmente mais moins rapidement »
– Pour présenter un sondage, on dit qu’un politique a « 35% d’opinion favorable » alors qu’on pourrait aussi dire que « 65% des gens le désapprouvent »
Ces subtilités dans le vocabulaire changent notre perception de la réalité, que ce soit dans le domaine politique, économique, ou même dans notre vie quotidienne.
4- L’influence du visuel
Les éléments visuels peuvent également jouer un rôle dans le cadrage de l’information. Par exemple :
Dans un journal télévisé, les images qui accompagnent un reportage peuvent influencer notre perception. Si un reportage sur un mouvement social est illustré par des images de violences, cela va renforcer l’image de chaos et de violence associée à ce mouvement. Une vidéo montrant des citoyens en train de discuter dans un cadre calme aurait probablement un effet beaucoup moins intense et aurait véhiculé une toute autre perception du mouvement.
5- L’influence du contexte
L’effet de cadrage peut également être influencé par l’émotion ou le contexte qui précède ou englobe l’information :
Lors d’une conversation, le cadrage peut orienter la réponse de l’interlocuteur grâce à la question posée. Par exemple, si, dans un premier temps, on vous demande : « Êtes-vous prêt à lutter contre le réchauffement climatique ? » puis, ensuite, « Seriez-vous prêt à acheter une voiture électrique pour réduire vos dépenses énergétiques ? », il y a des chances que les gens répondent « oui » à la deuxième question, en raison de leur désir de cohérence avec leur réponse initiale.
Dans le domaine de la publicité, l’émotion suscitée par un cadre luxueux ou une mise en scène particulière va naturellement amener les consommateurs à associer cette qualité à l’objet ou au produit qu’ils voient.
6- Le biais de cadrage et politique
Le biais de cadrage est largement utilisé en politique pour manipuler la perception de l’opinion publique. Les médias et les politiciens choisissent souvent un cadre particulier pour interpréter un événement, ce qui oriente les émotions et les jugements des spectateurs.
Voici quelques exemples concrets :
1- Les conflits armés et la couverture médiatique
Lors de conflits armés, le biais de cadrage peut modifier la perception d’un groupe ou d’un événement. Par exemple, les opposants au régime peuvent être présentés comme des « combattants pour la liberté » ou des « rebelles luttant contre l’oppression », tandis que ceux soutenant le gouvernement sont dépeints comme des « dictateurs » ou des « oppresseurs ». Cependant, dans d’autres reportages ou à travers des points de vue opposés, ces mêmes opposants peuvent être qualifiés de « terroristes » ou de « groupes radicaux », et le gouvernement est défendu comme un bastion contre le chaos. Cette simplification et polarisation de la situation mène souvent à une vision manichéenne du conflit, où la complexité des réalités sur le terrain et les multiples acteurs impliqués sont ignorées.
2- L’immigration et les discours politiques
Le débat sur l’immigration est souvent manipulé par le biais de cadrage. Par exemple, un article qui parle de l’immigration peut être formulé de manière à accentuer les aspects négatifs :
– « Les immigrants clandestins représentent une menace pour notre sécurité. »
En revanche, un cadrage opposé pourrait souligner les bénéfices économiques :
– « Les immigrants contribuent activement à l’économie en occupant des emplois indispensables. »
Dans le premier cas, le cadre crée une perception de danger et de menace, tandis que le second valorise les contributions positives des immigrants. Cette manipulation de l’information peut alimenter des stéréotypes et des peurs irrationnelles.
7- Comment éviter le piège du biais de cadrage ?
Pour limiter l’influence du biais de cadrage dans nos jugements et décisions, voici quelques bonnes pratiques :
– Reformuler l’information : Essayez de présenter une même donnée sous un autre angle pour voir si votre perception change.
– Consulter plusieurs sources : Lire différents médias aux lignes éditoriales variées permet d’obtenir une vision plus équilibrée d’un sujet.
– Analyser les chiffres et les faits bruts : Plutôt que de se fier aux formules engageantes, vérifier les données chiffrées et les comparer.
– Être conscient de l’effet émotionnel : Si une information vous choque ou vous enthousiasme immédiatement, demandez-vous si ce n’est pas la manière dont elle est présentée qui influence votre réaction.
Le biais de cadrage est un exemple puissant de la façon dont notre cerveau interprète la réalité en fonction de la manière dont elle est présentée. Comprendre ce phénomène permet de mieux décrypter l’information et d’adopter une approche plus critique face aux messages médiatiques et politiques.